Ĉu nedecaj tekstoj ?
Je m'enhardirai à demander,
sans vergogne maintenant,
si l'apprentissage de l'espéranto,
– dont l'effet est de ré-unir par le truchement le plus simple les humains jusqu'aux antipodes,
et d'ainsi permettre incidemment à deux adversaires,
par-delà leurs crépusculaires gouvernements,
de bien savoir pourquoi ils se tapent dessus,
avant d'entamer, sait-on jamais, un dialogue intelligible
non saturé de sophismes de rhéteurs roués,
et puis d'aller boire des pintes à la mémoire de leur aveuglement... –
est un grand mal pour une gouvernance mondiale
dont le but est la paix ‽
Non, sans doute ;
car, s'il rapproche deux sapiens d'un côté,
de l'autre il les rend plus attentifs
à chérir leur langue naturelle et maternelle, aussi locale soit-elle.
Il y avait un monde
qui portait aux nues non pas la langue tierce, l'idiolecte planétaire,
mais celles qui résistaient à tout ascendant étranger,
afin de les conforter dans leur pérennité
et de magnifier les infinies combinaisons de l'infinie diversité.
Ceci nous amène à des réflexions plus étendues.
Aux humains ne plaise que je veuille
attaquer ou détruire ici
l'assentiment mondial à l'apprentissage langagier opportuniste (prétendument multilingue)
que vient de donner la planète ;
mais me permettra-t-on quelques idées
sur l'injustice de cet engagement ?
Quel est l'esprit de ces vœux
prononcés par tous les individus d'une planète ?
N'est-il pas de maintenir
une parfaite égalité parmi les insulaires de ce débris d'univers,
de les soumettre tous également
aux décrets protecteurs des langues de tous ?
Or, je vous demande maintenant
si elle est bien légitime
la recommandation qui exhorte celui qui s'exprime en un idiome vernaculaire bien circonscrit
à s'appliquer à l'étude de quelques langues d'États de (leur) droit
qui faillirent (à) désoler le biotope aqua⅔terré⅓
dont de riches parasites, aristocrates ou roturiers nababs, se gobergent.
Quels sont les éléments de ce pacte linguistique planétaire ?
Ne consiste-t-il pas à céder un peu de son temps aux autres
et de la superbe de sa propre langue à l'égard de leurs aussi propres langues
pour s'assurer que ces derniers, plussoyant de leur côté, feront de même ?
Toutes les conventions des mammifères supérieurs sont assises sur ces bases ;
elles sont les motifs des punitions infligées
à celui qui abuse de l'ingénuité d'un congénère.
Elles impliquent ainsi la solidarité ;
ce qui fait qu'un humain ne se récrie pas
lorsque l'on attend cette intelligence de lui,
c'est qu'il sait qu'au moyen de ce devoir auquel il consent bien volontiers,
on lui conserve, inaliénable, un droit,
en l’occurrence celui de jouir de sa langue maternelle dans sa culture spécifique ;
mais, encore une fois, à quoi bon
celui dont la langue n'a eu que peu de rayonnement s'enchaînera-t-il,
sous un pacte qui ne favorise que ceux dont l'idiome a déjà couturé le globe ?
Si vous montrez par l'intérêt porté à telle langue 'civilisationnelle'
votre respect dudit pacte
et augmentez d'autant l'aura de la susdite en vous y absorbant,
ne tombez-vous pas la franche nigauderie,
en escomptant un respect et une assimilation identiques
de la part d'usagers d'une langue conquérante
qui ne sauraient qu'y perdre leur temps si fondamentalement fructueux ?
Quel intérêt ceux-ci n'ont-ils pas à votre pacte !
Et pourquoi voulez-vous qu'ils promettent une chose
uniquement expédiente
à ceux qui diffèrent autant d'eux par leurs modesties langagières ?
Il n'est assurément rien de plus injuste :
la "bonne intelligence mondiale" doit avoir des effets égaux
sur tous les individus du concert des nations ;
il est impossible qu'elle ne puisse entraîner par un même enthousiasme
les pas des derniers vers les premiers comme elle fait des premiers vers les derniers
parce qu'elle ne serait plus alors que le fruit véreux
d'une imposture entre locuteurs disparates :
elle serait l'arme des forts sur les faibles,
contre lesquels ceux-ci devraient se révolter sans cesse ;
or c'est ce qui arrive
dans le "serment du respect des langues par le multilinguisme"
que viennent de proposer les instances internationales ;
les langues de grande extension, surtout simplifiées, ne sauraient donner une liberté verbale
au "colonisé" devant la verve infuse du "colonisateur",
et celui-là prononce une sentence de mort
à l'égard de toute la culture que sous-tend sa langue depuis l'origine,
qui avec tant d'inconsidération ne voit pas
qu'au moyen de ce serment,
extorqué à sa bonne foi,
il s'engage à faire une chose
– assimiler insensiblement, par une langue contournée au rabais, la weltanschauung de l'autre –
que jamais cet autre ne daignera faire vis-à-vis de lui.
← séraphique agitateur chthonien (metteur en branle eût été ici par trop saillant)