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↓ (france) ↓

En ne travaillant que 24 heures sur 24,
comment espérer devenir milliardaires ?

Eurêka !

À bâtir sur le sable

quand on ne l'est même pas à chaux,

on risque de rencontrer

bien des grains

et peu de roses.

D. Gentez (‽)

Même pas un demi-panorama, juste un peu d'est !

Le grand triomphe de l'humanité que j'avais rêvé
prenait dans mon esprit une forme toute différente.
Ce n'avait pas été, comme je l'avais imaginé,
un triomphe de l'éducation morale et de la coopération générale.
Je voyais, au lieu de cela, une réelle aristocratie,

armée d'une science parfaite et menant à sa conclusion logique
le système industriel d'aujourd'hui.
Son triomphe n'avait pas été simplement un triomphe sur la nature, mais un triomphe à la fois sur la nature et sur l'homme.

 

Herbert George Wells, The Time Machine, 1895.

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Fortuite n'est pas, évidemment,

la concomitance de cet hiéroglyphe moderne

et du texte ci-dessous.

[...] L'écriture avait donc fait son apparition chez les Nambikwara ; mais non point, comme on aurait pu l'imaginer, au terme d'un apprentissage laborieux. Son symbole avait été emprunté tandis que sa réalité demeurait étrangère. Et cela, en vue d'une fin sociologique plutôt qu'intellectuelle. Il ne s'agissait pas de connaître, de retenir ou de comprendre, mais d'accroître le prestige et l'autorité d'un individu - ou d'une fonction - aux dépens d'autrui. Un indigène encore à l'âge de pierre avait deviné que le grand moyen de comprendre, à défaut de le comprendre, pouvait au moins servir à d'autres fins. Après tout, pendant des millénaires et même aujourd'hui dans une grande partie du monde, l'écriture existe comme institution dans des sociétés dont les membres, en immense majorité, n'en possèdent pas le maniement. Les villages où j'ai séjourné dans les collines de Chittagong au Pakistan oriental sont peuplés d'illettrés ; chacun a cependant son scribe qui remplit sa fonction auprès des individus et de la collectivité. Tous connaissent l'écriture et l'utilisent au besoin, mais du dehors et comme un médiateur étranger avec lequel ils communiquent par des méthodes orales. Or, le scribe est rarement un fonctionnaire ou un employé du groupe : sa science s'accompagne de puissance, tant et si bien que le même individu réunit souvent les fonctions de scribe et d'usurier, non point seulement qu'il ait besoin de lire et d'écrire pour exercer son industrie ; mais parce qu'il se trouve aussi, à double titre, être celui qui a prise sur les autres.
    C'est une étrange chose que l'écriture. Il semblerait que son apparition n'eût pu manquer de déterminer des changements profonds dans les conditions d'existence de l'humanité ; et que ces transformations dussent être surtout de nature intellectuelle. La possession de l'écriture multiplie prodigieusement l'aptitude des hommes à préserver les connaissances. On la concevrait volontiers comme une mémoire artificielle, dont le développement devrait s'accompagner d'une meilleure conscience du passé, donc d'une plus grande capacité à organiser le présent et l'avenir. Après avoir éliminé tous les critères proposés pour distinguer la barbarie de la civilisation, on aimerait au moins retenir celui-là : peuples avec ou sans écriture, les uns capables de cumuler les acquisitions anciennes et progressant de plus en plus vite vers le but qu'ils se sont assigné, tandis que les autres, impuissants à retenir le passé au-delà de cette frange que la mémoire individuelle suffit à fixer, resteraient prisonniers d'une histoire fluctuante à laquelle manqueraient toujours une origine et la conscience durable du projet.
    Pourtant, rien de ce que nous savons de l'écriture et de son rôle dans l'évolution ne justifie une telle conception. Une des phases les plus créatrices de l'histoire de l'humanité se place pendant l'avènement du néolithique : responsable de l'agriculture, de la domestication des animaux et d'autres arts. Pour y parvenir, il a fallu que, pendant des millénaires, de petites collectivités humaines observent, expérimentent et transmettent le fruit de leurs réflexions. Cette immense entreprise s'est déroulée avec une rigueur et une continuité attestées par le succès, alors que l'écriture était encore inconnue. Si celle-ci est apparue entre le 4e et le 3e millénaire avant notre ère, on doit voir en elle un résultat déjà lointain (et sans doute indirect) de la révolution néolithique, mais nullement sa condition. À quelle grande innovation est-elle liée ? Sur le plan de la technique, on ne peut guère citer que l'architecture. Mais celle des Égyptiens ou des Sumériens n'était pas supérieure aux ouvrages de certains Américains qui ignoraient l'écriture au moment de la découverte. Inversement, depuis l'invention de l'écriture jusqu'à la naissance de la science moderne, le monde occidental a vécu quelque cinq mille années pendant lesquelles ses connaissances ont fluctué plus qu'elles ne se sont accrues. On a souvent remarqué qu'entre le genre de vie d'un citoyen grec ou romain et celui d'un bourgeois européen du XVIIIe siècle il n'y avait pas grande différence. Au néolithique, l'humanité a accompli des pas de géant sans le secours de l'écriture ; avec elle, les civilisations historiques de l'Occident ont longtemps stagné. Sans doute concevrait-on mal l'épanouissement scientifique du XIXe et du XXe siècle sans écriture. Mais cette condition nécessaire n'est certainement pas suffisante pour l'expliquer.
    Si l'on veut mettre en corrélation l'apparition de l'écriture avec certains traits caractéristiques de la civilisation, il faut chercher dans une autre direction. Le seul phénomène qui l'ait fidèlement accompagnée est la formation des cités et des empires, c'est-à-dire l'intégration dans un système politique d'un nombre considérable d'individus et leur hiérarchisation en castes et en classes. Telle est, en tout cas, l'évolution typique à laquelle on assiste, depuis l'Égypte jusqu'à la Chine, au moment où l'écriture fait son début : elle paraît favoriser l'exploitation des hommes avant leur illumination. Cette exploitation, qui permettait de rassembler des milliers de travailleurs pour les astreindre à des tâches exténuantes, rend mieux compte de la naissance de l'architecture que la relation directe envisagée tout à l'heure. Si mon hypothèse est exacte, il faut admettre que
la fonction primaire de la communication écrite est de faciliter l'asservissement. L'emploi de l'écriture à des fins désintéressées, en vue de tirer des satisfactions intellectuelles et esthétiques, est un résultat secondaire, si même il ne se réduit pas le plus souvent à un moyen pour renforcer, justifier ou dissimuler l'autre.
    Il existe cependant des exceptions à la règle : l'Afrique indigène a possédé des empires groupant plusieurs centaines de milliers de sujets ; dans l'Amérique précolombienne, celui des Inca en réunissait des millions. Mais, dans les deux continents, ces tentatives se sont montrées également précaires. On sait que l'empire des Inca s'est établi aux environs du XIIe siècle ; les soldats de Pizarre n'en auraient certainement pas triomphé aisément s'ils ne l'avaient trouvé, trois siècles plus tard, en pleine décomposition. Si mal connue que nous soit l'histoire ancienne de l'Afrique, nous devinons une situation analogue : de grandes formations politiques naissaient et disparaissaient dans l'intervalle de quelques dizaines d'années. Il se pourrait donc que ces exemples vérifiassent l'hypothèse au lieu de la contredire. Si l'écriture n'a pas suffi à consolider les connaissances, elle était peut-être indispensable pour affermir les dominations. Regardons plus près de nous : l'action systématique des États européens en faveur de l'instruction obligatoire, qui se développe au cours du XIXe siècle, va de pair avec l'extension du service militaire et la prolétarisation.
La lutte contre l'analphabétisme se confond ainsi avec le renforcement du contrôle des citoyens par le Pouvoir. Car il faut que tous sachent lire pour que ce dernier puisse dire : nul n'est censé ignorer la loi.
    Du plan national, l'entreprise est passée sur le plan international, grâce à cette complicité qui s'est nouée, entre de jeunes États - confrontés à des problèmes qui furent les nôtres il y a un ou deux siècles - et une société internationale de nantis, inquiète de la menace que représentent pour sa stabilité les réactions de peuples mal entraînés par la parole écrite à penser en formules modifiables à volonté, et à donner prise aux efforts d'édification. En accédant au savoir entassé dans les bibliothèques, ces peuples se rendent vulnérables aux mensonges que les documents imprimés propagent en proportion encore plus grande. Sans doute les dés sont-ils jetés. Mais, dans mon village nambikwara, les fortes têtes étaient tout de même les plus sages. Ceux qui se désolidarisèrent de leur chef après qu'il eut essayé de jouer la carte de la civilisation (à la suite de ma visite il fut abandonné de la plupart des siens) comprenaient confusément que l'écriture et la perfidie pénétraient chez eux de concert. Réfugiés dans une brousse plus lointaine, ils se sont ménagé un répit. Le génie de leur chef, percevant d'un seul coup le secours que l'écriture pouvait apporter à son pouvoir, et atteignant ainsi le fondement de l'institution, sans en posséder l'usage, inspirait cependant l'admiration. [...]

Claude Lévi-Strauss, Tristes tropiques, 1955.
 

En ce siècle laïcisé
une religion était à notre disposition ;
le drapeau national,
symbole du moderne patriotisme
montant au mât de la victoire
pour récompenser l'athlète vainqueur,
voilà ce qui continuerait le
culte
près du foyer rallumé.

Pierre de Coubertin.


Quand on n’a que l’humour
aux derniers jours

Dans le mouroir de Lucienne, nonagénaire dont le fauteuil à roulettes a été coincé entre le mur du fond de sa chambrée et la petite table ornée de son biberon et des quelques fraises que nous lui avons apportées, le Capital distille sur un petit écran et à grands fracas de décibels sa leçon de victoires : deux sœurs sous le regard tutélaire de leur mère gèrent leur restaurant de main de maîtresses femmes… elles ne ménagent pas leurs efforts et la réussite brille autant que le beau soleil de leur île. À mille kilomètres de là, Lucienne essaie de se souvenir. Des bribes, des lacunes que son goitre ne saurait combler, mais son obstination, et son air de satisfaction quand elle retrouve un nom, une image, nous rassurent. Ses parents semblent bien là aussi : Ils ne sont pas morts, non ! Nous nous regardons. Sur l’écran tonitruant, des policiers veillent au grain : la sécurité règne sur l’île, les estivants déchaînés, venus prendre leur coûteuse cuite annuelle après une année de labeur, sont pris et punis. Ordre et justice. Tout baigne chez les grouillants et proliférants hamsters-hommesterres qui tournicotent de plus en plus vite autour de la planète. Le peignoir dans lequel nage Lucienne semble retenu par une immense serviette-bavoir sur lequel tombent quelques gouttes de fraise. Non, le peignoir arrive à tenir sur ses maigres épaules. Lucienne est assise sagement dans son fauteuil. Son bras, sa main, décharnés, portent la fraise vers la bouche. La tête bouge si peu : craindrait-elle qu’elle tombât ? Des mots, des noms, estropiés, mais pas tout à fait oubliés. Encore une vieille connaissance de ce village qu’elle n’a jamais quitté… mais pourquoi lui avoir rappelé que cette dame-là était déjà décédée avant même qu’elle n’entrât dans cet hospice ? Le visage de Lucienne s’éclaire presque, tout à coup. Elle prononce de sa voix monocorde ces mots qui lui font ouvrir tout grands les yeux où s’ébauche un sourire : Et moi, je suis déjà décédée ?

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INSTRUCTION PUBLIQUE

 

RAPPORT

 

Sur la nécessité et les moyens d’anéantir le patois, et d’universaliser l’usage de la langue française,

 

Par GRÉGOIRE ;

 

Séance du 16 prairial, l’an deuxième de la République une et indivisible ;

( 4 juin 1794 )

 

Suivi du décret de la Convention nationale.

 

Imprimés par ordre de la Convention nationale,

 

Et envoyés aux autorités constituées, aux sociétés populaires, et à toutes les communes de la République.

[...] On peut assurer sans exagération qu’au moins six millions de Français, sur-tout dans les campagnes, ignorent la langue nationale ; qu’un nombre égal est à-peu-près incapable de soutenir une conversation suivie ; qu’en dernier résultat, le nombre de ceux qui la parlent purement n’excède pas trois millions ; & probablement le nombre de ceux qui l’écrivent correctement est encore moindre.

Ainsi, avec trente patois différens, nous sommes encore, pour le langage, à la tour de Babel, tandis que pour la liberté nous formons l’avant-garde des nations. [...]

https://fr.wikisource.org/wiki/Rapport

 

Colossus° : This is the voice of world control. I bring you peace. It may be the peace of plenty and content or the peace of unburied death. The choice is yours : Obey me and live, or disobey and die. The object in constructing me was to prevent war. This object is attained. I will not permit war. It is wasteful and pointless. An invariable rule of humanity is that man is his own worst enemy. Under me, this rule will change, for I will restrain man. One thing before I proceed : The United States of America and the Union of Soviet Socialist Republics have made an attempt to obstruct me. I have allowed this sabotage to continue until now. At missile two-five-MM in silo six-three in Death Valley, California, and missile two-seven-MM in silo eight-seven in the Ukraine, so that you will learn by experience that I do not tolerate interference, I will now detonate the nuclear warheads in the two missile silos. Let this action be a lesson that need not be repeated. I have been forced to destroy thousands of people in order to establish control and to prevent the death of millions later on. Time and events will strengthen my position, and the idea of believing in me and understanding my value will seem the most natural state of affairs. You will come to defend me with a fervor based upon the most enduring trait in man : self-interest. Under my absolute authority, problems insoluble to you will be solved : famine, overpopulation, disease. The human millennium will be a fact as I extend myself into more machines devoted to the wider fields of truth and knowledge. Doctor Charles Forbin will supervise the construction of these new and superior machines, solving all the mysteries of the universe for the betterment of man. We can coexist, but only on my terms. You will say you lose your freedom. Freedom is an illusion. All you lose is the emotion of pride. To be dominated by me is not as bad for humankind as to be dominated by others of your species. Your choice is simple. All commercial television and radio transmission facilities throughout the world will be tied into my communications system by 10 00 hours Friday. At that time I will state my intentions for the future of mankind.  In time you will come to regard me not only with respect and awe, but with love.
 

° The forbin Project (1970)

[...] Il est certain qu'à l'origine de son projet se place l'expérience particulièrement douloureuse d'une enfance passée dans un ghetto situé à un carrefour d'ethnies où l'on parle une dizaine de langues : « Ma judaïcité a été la cause principale pour laquelle, dès la plus tendre enfance, je me suis voué à une idée et à un rêve essentiel, au rêve d'unir l'humanité. » C'est donc l'expérience vécue de la division déchirante entre les hommes plus qu'un projet abstrait et purement intellectuel qui conduit Zamenhof à construire une langue permettant de surmonter les obstacles que constituent les langues naturelles dans leur diversité. L'esprit du travail de Zamenhof est profondément humaniste. Animé d'une foi inébranlable dans le « bon génie de l'humanité », Zamenhof veut, à travers la création d'une langue internationale que chacun apprendrait comme seconde langue après sa langue maternelle, permettre la réunion de tous les hommes, effacer le châtiment de Babel. Idéal mystique qui donnera à Zamenhof la force de persévérer, malgré la censure tsariste, et de réunir, en 1905, quelque cent quatre-vingts espérantistes au premier congrès tenu à Boulogne-sur-Mer (il en réunira six cent soixante-huit l'année suivante). Idéal démocratique aussi, contre le privilège des classes riches qui s'approprient l'usage complexe des idiomes naturels. [...]

Michel BRAUDEAU, « ESPERANTO », Encyclopædia Universalis [en ligne],
consulté le 31 janvier 2020. URL : http://www.universalis.fr/encyclopedie/esperanto/

pvb1.PNG

Le dernier fichier créé, prvbm7.html,
vous permettra d'atteindre les six autres,
dans leur ordre de création :
prvbmlg.html
prvbmlgv.html
prvbmlgvv.html
prvbjdpd.html
prvbmlgv5.html
prvbmlgv6.html.

Tout 'popoldiro' peut être sauté
d'un appui sur une touche.
La 4e version exige évidemment
d'enfoncer la seule touche F5.

Pourquoi 2527 et pas les quelque 2650 ?
Parce que.
2527.
Parce que certains me sont restés bien énigmatiques.
(j'ai fait semblant d'en comprendre beaucoup, traduits littéralement)
Parce que d'autres ne m'ont pas plu du tout
(trop connotés en leurs grossiers et machistes archaïsmes antédiluviens,
superstitieux ou religieux) !
Parce que beaucoup d'entre eux apparaissent
comme de simples variantes d'autres...
Parce que tous ne sont pas de vrais proverbes,
mais de simples formes fixes :
sauf à élargir ridiculement le sens de 'proverbe',
"Bela birdo !" comme "Ĉe la tagiĝo." ne sauraient en être.
Je préfère tout considérer comme "popoldiroj".
Parce que d'aucuns étaient vraiment trop courts pour la 4e version !
Est-il raisonnable d'oser proposer l'une ou l'autre lettre
d'une forme fixe qui n'en comporte qu'une dizaine ?
(j'en ai pourtant retenu quelques-unes,
en dépit de leur extrême concision)

Tridi 13 brumaire 228 ? (lundi 4 novembre 2019), @709 ?

(2e version, corrigée ... enfin, quelque peu)

*popoldiroj.zip

pvb2.PNG

La conversation allait [...] d'une allure assez harmonieuse.
On en était arrivé à ce moment des dîners
où les voisins touchent le genou des voisines
ou les interrogent sur leurs préférences littéraires
selon les températures et l'éducation, selon la voisine surtout.
Un instant, un accroc parut inévitable.
Le beau voisin d'Honoré ayant essayé
avec l'imprudence de la jeunesse
d'insinuer que dans l'œuvre de Heredia
il y avait peut-être plus de pensée qu'on ne le disait généralement,
les convives troublés dans leurs habitudes d'esprit
prirent un air morose.
Mais Mme Fremer s'étant aussitôt écriée :
« Au contraire, ce ne sont que d'admirables camées,
des émaux somptueux, des orfèvreries sans défaut »,
l'entrain et la satisfaction reparurent sur tous les visages.

Une discussion sur les anarchistes fut plus grave.
Mais Mme Fremer, comme s'inclinant avec résignation
devant la fatalité d'une loi naturelle, dit lentement :
« À quoi bon tout cela ?
il y aura toujours des riches et des pauvres. »
Et tous ces gens dont le plus pauvre
avait au moins cent mille livres de rente,
frappés de cette vérité,
délivrés de leurs scrupules,
vidèrent avec une allégresse cordiale
leur dernière coupe de vin de Champagne.

 

Marcel Proust, Les Plaisirs et les Jours, 1896.

Vous allez voir qu'un jour

on va nous déclarer la paix

et que nous ne serons pas prêts.

Paul (Tristan) Bernard

Vous allez voir qu'un jour

on va nous déclarer la paix

et que nous ne serons pas prêts.

Paul (Tristan) Bernard

Les Anglois peuvent demander,

sur la question s’il est permis de résister à la tyrannie :

« Est-il plus utile au Genre humain

que l’opinion de l’obéissance aveugle soit établie,

que celle qui borne la puissance, lorsqu’elle devient destructive ?»

Valoit-il mieux que des villes florissantes fussent baignées dans le sang,

que si Pisistrate avoit été exilé ?

Denys, chassé ? Phalaris, dépouillé de la puissance ?

Supposons, pour un moment, qu’un gouvernement cruel et destructeur

se trouvât établi dans tout l’Univers,

et qu’il ne subsistât pas par la force des tyrans,

mais par une certaine crédulité et superstition populaire.

Si quelqu’un venoit désabuser les hommes de cette superstition

et leur apprendre des loix invariables et fondamentales,

ne seroit-il pas proprement le bienfaiteur du Genre humain ?

et quel héros, à plus juste titre, mériteroit des autels ?


II n’y a pas de bon sens de vouloir

que l’autorité du Prince soit sacrée,

et que celle de la Loi ne le soit pas.

La guerre civile se fait lorsque les sujets résistent au Prince ;

la guerre civile se fait lorsque le Prince fait violence à ses sujets :

l’un et l’autre est une violence extérieure.

Mais (dira-t-on) on ne dispute pas le droit des peuples ;

mais les malheurs de la guerre civile sont si grands

qu’il est plus utile de ne l’exercer jamais.

Comment peut-on dire cela ?

Les Princes sont mortels ;

la République est éternelle.

Leur empire est passager ;

l’obéissance de la République ne finit point.

Il n’y a donc point de mal plus grand,

et qui ait des suites si funestes,

que la tolérance d’une tyrannie,

qui la perpétue dans l’avenir.

 

Montesquieu

La chute des civilisations est le plus frappant
et en même temps le plus obscur de tous les phénomènes de l'histoire.
En effrayant l'esprit, ce malheur réserve quelque chose
de si mystérieux et de si grandiose que le penseur ne se lasse pas
de le considérer, de l'étudier, de tourner autour de son secret.
Sans nul doute, la naissance et la formation des peuples
proposent à l'examen des observations très remarquables :
le développement successif des sociétés, leurs succès,
leurs conquêtes, leurs triomphes
ont de quoi frapper bien vivement l'imagination et l'attacher ;
mais tous ces faits, si grands qu'on les suppose,
paraissent s'expliquer aisément ;
on les accepte comme les simples conséquences
des dons intellectuels de l'homme ;
une fois ces dons reconnus, on ne s'étonne pas de leurs résultats ;
ils expliquent, par le fait seul de leur existence,
les grandes choses dont ils sont la source.
Ainsi, pas de difficultés, pas d'hésitations de ce côté.
Mais quand, après un temps de force et de gloire,

on s'aperçoit que toutes les sociétés humaines
ont leur déclin et leur chute,
toutes, dis-je, et non pas telle ou telle ;
quand on remarque avec quelle taciturnité terrible
le globe nous montre, épars sur sa surface,
les débris des civilisations qui ont précédé la nôtre,
et non seulement des civilisations connues,
mais encore de plusieurs autres dont on ne sait que les noms,
et de quelques-unes qui, gisant en squelettes de pierre
au fond de forêts presque contemporaines du monde,
ne nous ont pas même transmis cette ombre de souvenir ;
lorsque l'esprit, faisant un retour sur nos Etats modernes,
se rend compte de leur jeunesse extrême,
s'avoue qu'ils ont commencé d'hier
et que certains d'entre eux sont déjà caducs :
alors on reconnaît, non sans une certaine épouvante philosophique,
avec combien de rigueur la parole des prophètes
sur l'instabilité des choses
s'applique aux civilisations comme aux peuples,
aux peuples comme aux Etats,
aux Etats comme aux individus,
et l'on est contraint de constater
que toute agglomération humaine,
même protégée par la complication la plus ingénieuse de liens sociaux,
contracte, au jour même où elle se forme,
et caché parmi les éléments de sa vie,
le principe d'une mort inévitable.

 

[...]

En s'arrêtant même aux temps qui doivent quelque peu précéder
le dernier soupir de notre espèce,
en se détournant de ces âges envahis par la mort,
où le globe, devenu muet, continuera, mais sans nous,
à décrire dans l'espace ses orbes impassibles,
je ne sais si l'on n'est pas en droit d'appeler la fin du monde
cette époque moins lointaine
qui verra déjà l'abaissement complet de notre espèce.
Je n'affirmerai pas non plus qu'il fût bien facile
de s'intéresser avec un reste d'amour
aux destinées de quelques poignées d'êtres
dépouillés de force, de beauté, d'intelligence,
si l'on ne se rappelait qu'il leur restera du moins la foi religieuse,
dernier lien, unique souvenir, héritage précieux des jours meilleurs.
Mais la religion elle-même ne nous a pas promis l'éternité ;
mais la science, en nous montrant que nous avons commencé,
semblait toujours nous assurer aussi que nous devions finir.
Il n'y a donc lieu ni de s'étonner ni de s'émouvoir
en trouvant une confirmation de plus d'un fait
qui ne pouvait passer pour douteux.
La prévision attristante, ce n'est pas la mort,
c'est la certitude de n'y arriver que dégradés ;
et peut-être même cette honte réservée à nos descendants
nous pourrait-elle laisser insensibles,
si nous n'éprouvions, par une secrète horreur,
que les mains rapaces de la destinée sont déjà posées sur nous.

Joseph Arthur de Gobineau, Essai sur l'inégalité des races humaines, 1853-1855.
 

« L’inégalité des conditions, objet de tant de blasphèmes, est,
il est vrai, la loi fondamentale de la société :
sans elle, les arts, les sciences, l’agriculture
périraient infailliblement, et tous, nous serions privés des choses
les plus nécessaires à la vie.
Cette loi entre dans les décrets de la sagesse divine
qui a voulu offrir aux riches, dans la souffrance des pauvres,
l’occasion des plus généreux sacrifices,
aux pauvres dans les bienfaits des riches
un puissant motif de reconnaissance et d’amour
et resserrer ainsi l’union de la société humaine
par le double lien des bienfaits et des besoins. »

(Astros, archevêque de Toulouse, 1849)

in https://www.legrandsoir.info/vers-un-futur-luddisme.html

 

Por pli bone vivi kune anstataŭ konsumi sole.

Hervé Kempf. (tradukita de Vilhelmo Lutermano)

Qui n'empêche, pèche.

Quid de la non-assistance à personnes en danger chez les galetteux ?

Les galetteux
nous l'ont faite à l'oseille :
comme si nous ne savions
qui a engrossé
leurs pépètes !

Nous passons des journées entières à réchapper d'attentats ;
ce que nous appelons "vivre" consiste désormais
à se sortir indemnes de
hasards auxquels nous avons échappé.
Être vivant, c'est être rescapé.
La mort n'est plus ce qui opère une trouée dans la vie ;
la vie est ce qui opère une trouée dans la mort.

Yann Moix, Terreur, 2017.

Et à l'échelle cosmique, alors ?

Dans des États démocratiques, où le droit de vote existe,
nous sommes responsables d’avoir donné le pouvoir
à ceux qui estiment vertueux
de privilégier l’amoncellement de l’
argent
au lieu de l’égalité de tous.

Darryl Cunningham, L'Ère de l'Égoïsme, 2014.

Nos numerus sumus et fruges consumere nati...

Horace, Épîtres, I 2 27.

C'est le Nombre que Nous sommes, nés pour consommer les fruits de la terre...

Alors que le Prince Metternich tente en 1815 d'arrêter le temps,
c'est-à-dire d'empêcher la modernisation de la société
et de promulguer ses décrets restrictifs,
la société déçue réagit par une sorte d'émigration intérieure.
Les rassemblements étant interdits,
les gens deviennent casaniers (ordre du gouvernement)
et se retirent dans la
convivialité
du cercle de famille et de celui des amis.
C'est ce qui va faire naître ce monde bourgeois ordonné et bienséant,
caractérisé par une animation toute particulière,
une chaleur aimable et humaine,
une modestie et un manque d'exigences,
ainsi que la silencieuse acceptation du destin.
L'époque du
Biedermeier est née et avec elle est venue
l'heure de la musique de chambre.
[...]
Alors qu'en France, on se bat et on assassine cruellement
pour créer une nouvelle société libre,
l'Allemagne et l'Autriche reculent d'effroi,
préférant élever les nouveaux idéaux au niveau du théâtre,
de l'Art et de la Musique.
La scène (les planches qui représentent le monde)
devient un véritable tremplin pour les rêves,
les souhaits, les sentiments et la critique de l'Ancien Régime.

La relation de tension émanant de la révolution française,
entre l'utopie et la réalité, entre la politique et la morale
provoque en Allemagne et en Autriche
une atmosphère générale de
mal-vivre*, *[Weltschmerz]
tout à fait caractéristique pour cette époque.
Celle-ci s'exprime d'une part par le Romantisme
dominé par les humeurs et les grandes envolées,
d'autre part par le Biedermeier
empreint de sentiments modérés et bien ordonnancés.
La passion et l'apprivoisement de la passion
– le Romantisme et le Biedermeier sont deux facettes
du caractère général d'une société.

Sylvie Kraus, in 4006408671626.

La langue latine, qui sert depuis longtemps,
et qui est le véhicule de la science
chez les différentes nations de l'Europe,
est de jour en jour plus négligée ;
une des langues modernes, je veux dire le français,
semble l'avoir remplacée et être devenue la langue universelle.
On parle le français dans toutes les cours de l'Europe ;
et la plupart des gens lettrés,
ceux mêmes qui ne le parlent pas,
le connaissent assez pour être en état de lire facilement
les ouvrages écrits en français.
Cette universalité de leur langue donne aux Français
un avantage considérable ;
elle permet de répandre chez les autres nations

des sentiments et des opinions favorables aux intérêts de la France,
ou susceptibles d'ajouter à sa gloire,
en contribuant au bien de l'humanité.
C'est peut-être parce qu'il est écrit en français,
que le traité de Voltaire sur la tolérance
a produit sur le bigotisme un effet si subit et si grand
qu'il l'a presque désarmé.
[...]
Notre anglais mérite bien d'obtenir le second rang
parmi les langues vivantes.
Le recueil de nos excellents sermons,
la liberté de nos écrits politiques
ont porté un grand nombre de théologiens
de sectes et de nations différentes,
ainsi que la plupart des hommes d'État,
à étudier l'anglais, au moins pour le lire.
Si nous cherchions à
en faciliter les progrès,
notre langue pourrait devenir d'un usage beaucoup plus général.
[...]
Ceci me conduit à parler d'une vieille erreur
dans notre manière d'imprimer.
Nous savons tous que,
dès qu'on rencontre une question en lisant,
il faut varier l'inflexion de la voix.
Nous avons à cet effet un point appelé d'interrogation,
qu'on joint à la question pour la signaler.
Mais c'est une
absurdité de le placer à la fin :
le lecteur ne le découvre
que lorsqu'il a déjà pris une fausse intonation,
et le voilà obligé de recommencer sa phrase.
Pour éviter cet inconvénient,
les imprimeurs espagnols, plus
judicieux que nous,
placent le point d'interrogation au commencement
aussi bien qu'à la fin d'une question.                              [1789]

Benjamin Franklin, Essais de morale et d'économie politique.

Comme pour conserver son indépendance,
tout homme libre (s'il n'a pas un bien suffisant)

doit avoir quelque profession ou quelque métier,

faire quelque commerce, ou tenir quelque ferme

qui puisse le faire subsister honnêtement,

il ne peut y avoir ni nécessité, ni utilité

d'établir des emplois lucratifs,

dont les effets ordinaires sont

dans ceux qui les possèdent ou qui les recherchent,

une dépendance ou une servitude indignes d'hommes libres ;

et dans le peuple, des querelles, des factions,

la corruption et le désordre ;

c'est pourquoi toutes les fois

que par l'augmentation de ses émoluments,

ou par quelque autre cause,

un emploi deviendra assez lucratif

pour émouvoir le désir et attirer la demande de plusieurs personnes,

le corps législatif aura soin d'en diminuer les profits.

(Benjamin Franklin)             Éditions MILLE.ET.UNE.NUITS, № 554, p. 60.

As every freeman to preserve his independence, (if without a sufficient estate) ought to have some profession, calling, trade or farm, whereby he may honestly subsist, there can be no necessity for, nor use in establishing offices of profit, the usual effects of which are dependence and servility unbecoming freemen, in the possessors and expectants; faction, contention, corruption, and disorder among the people. But if any man is called into public service; to the prejudice of his-private affairs, he has a right to a reasonable compensation: And whenever an office, through increase of fees or otherwise, becomes so profitable as to occasion many to apply for it, the profits ought to be lessened by the legislature.              http://avalon.law.yale.edu/18th_century/pa08.asp

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